22 novembre 2011

Dis, c'est quoi un Hack'n Slash ?

Ailleurs, je parlais il y a peu de Dungeon Siege III et de sa vraie-fausse allure de hack'n slash. On me disait que l'hyper-importance du scénario dans ce jeu menait le genre vers de nouvelles hauteurs, que c'était là l'avenir, une nécessité pour que le genre ne s'enfonce pas dans les limbes de l'oubli. On me disait aussi que sans roleplay particulier ni scénarios réellement travaillés, Diablo et ses cousins ressemblaient plus à d'addictifs (quoi qu'incomplets) jeux d'action qu'a des RPGs.

Effectivement, les hack'n slash ne sont pas des RPGs. Du moins pas vraiment. Le principe de jeu est tout autre et surtout très ciblé.

A sa sortie en 1997, Diablo se posait comme une évolution des Roguelike et des dungeon crawlers. Les "porte-monstre-trésor" comme on disait dans le temps. Il était pensé et produit comme un jeu de "joueur" (un peu comme Kid Chameleon pour les jeux de plate-formes), comprenez un truc qui, certes, s'assoie sur une histoire et des principes RPGesques, mais se veut avant tout une expérimentation d'un gameplay très spécifique dont les utilisateurs vont chercher les limites, en l'occurence au travers de builds différenciés des personnages et de la tonne de loot avec ses poucentages et ses stats "manipulables" en farmant. L'histoire n'y est qu'accessoire et si le background des Diablo est très travaillé, il n'est qu'un ressort technique pour attirer un public plus vaste que celui visé à l'origine (et il est bien évidemment tout à fait possible de jouer à Diablo sans faire parti du groupe des mabouls qui vont essayer de triturer le jeu dans tous les sens, ne lisez pas ce que je n'écris pas).
En interviews, les frères Schaefer, à la tête du projet, étaient très clairs à ce sujet dès les premières phases du développement : ils voulaient un "truc de 'coreux", quelque chose qui ressorte d'une stratégie de jeu "pour le jeu" et pas d'une expérience fantasmatique avec un scénario très poussé et des implications morales. D'ailleurs, à l'origine, le jeu était prévu pour se jouer au tour par tour, comme un vrai Roguelike, histoire d'ajouter encore une couche à la dimension stratégique.
Dans Diablo, le but pour le joueur était clairement de prendre le meilleur sur une programmation spécifique (le nombre de monstres et leur puissance à un endroit donné ne change jamais) en créant le personnage le plus efficace possible. Le succès du jeu et de la vue isométrique dans les RPG (les Divinity, Planescape, Fallout, tout ça) a biaisé la vision qu'on a eu du genre par la suite et éditeurs et développeurs se sont engouffrés dans la brèche. Le hack'n slash est devenu plus mainsteam et accessible, tout en gardant les caractéristiques que lui avait donné Diablo (à savoir du loot à foison et des milliers de monstres au pixel carré).

Techniquement, il ne s'agit donc aucunement des "ébauches" limitées de quelconques "jeux d'action fun". Ces jeux sont finis et ont leur philosophie particulière. Il est important de garder en tête que le concept est bel et bien basique et qu'il l'est volontairement. On ne demande pas à un hack'n slash d'être un RPG, sinon on ne ferait pas la distinction entre les genres. Je vais être particulièrement sectaire mais ajouter du scénario pour enlever du gameplay, à l'image de Dungeon Siege III, c'est du nivellement par le bas pour plaire à la masse, clairement. Dungeon Siege III n'est d'ailleurs pas un hack'n slash : c'est un hybride timide qui essaie de tabler sur une fanbase étendue tout en racolant outrageusement les nouveaux arrivants potentiels avec un gameplay très simplifié et une narrativité prononcée. Même le côté punitif du jeu ("si t'es pas assez fort, t'es mort") a disparu : tout est adapté au niveau actuel du personnage via autoleveling (une erreur déjà commise par un Loki de sinistre mémoire). Par ailleurs, le build est très limité et le loot quasiment absent.

C'est pour cette unique raison que Diablo II, évolution majeure de son devancier, est toujours le meilleur du genre (et le restera sans doute encore un moment, je ne fonde absolument aucun espoir en Diablo III à ce niveau là) : si des jeux comme Titan Quest ont parfaitement retranscrit la base de ce gameplay, ils n'en restent pas moins de simples dérivations d'un principe par définition immuable (et ce sans minimiser la qualité de Titan Quest le moins du monde) : les stats et possibilités de builds étaient différentes de Diablo, le jeu demandait d'autres methodes pour être maîtrisé, mais le principe n'en restait pas moins rigoureusement identique.
Si pour assurer un avenir au genre et le rendre "moins ennuyeux" il faut à tout prix vaincre ce système qu'on pourra croire élitiste et détourner le principe même de ce qu'est le hack'n slash avec l'hybridation qu'on peut voir dans Deathspank ou Dungeon Siege III (qui ne sont pas de mauvais jeux au demeurant, d'ailleurs), il n'y a plus aucun intérêt à appeler ça des hack'n slash. Ces jeux n'en sont plus : le build a été effacé au profit d'upgrades simples des capacités de bases d'un personnage clairement défini et non customisable (avec un nom et un passé, ce que les personnages de hack'n slash, par définition, n'ont pas) qui n'influent de fait pas sur le fonctionnement direct du jeu. La poursuite d'une quête définie est devenu le point principal du gameplay. Le loot ne devient qu'un ajout amusant permettant de booster abusivement son personnage. Ces jeux sont chouettes et bien foutus, mais terriblement linéaires car bien trop story-driven. La logique du hack'n slash n'y est plus.

Le seul réel hack'n slash sorti ces dernières années, c'est Torchlight. Comme par hasard, derrière, on trouve Travis Baldree, les frères Schaeffer et quelques anciens potes de Condor/Blizzard North. D'ailleurs, le jeu a clairement été monté en forme de pied de nez à ActiBlizzard et à son Diablo III (à l'époque) fantôme en en reprenant à la lettre les principes et en l'habillant de gadgets (et d'une patte graphique) typiquement WoWienne.

Quant à la pré-supposée déconfiture du genre, l'attente générée par des jeux comme Grim Dawn ou Path of Exile, en dehors même des champs d'action de Diablo III et Torchlight II, tend à montrer une chose toute simple : le jeu de niche trouve toujours son public. A l'image des shmups, c'est même un peu le principe. Ce n'est pas parce que le grand public n'y touche pas et n'a pas l'information que le genre est mort.

Le shmup a eu un âge d'or, dans les 80's, et est depuis devenu un genre réservé à une poignée de fous-furieux, toujours très actif, mais très discret. Le shmup à la mode arcade tend à disparaître, mais c'est uniquement du à la disparition des salles, même au Japon. Le shmup arcade est devenu un genre hyper élitiste, à l'image des productions Cave, mais ça continue toujours de trouver son public sur d'autres supports : les récentes ventes de DeathSmiles ou ESPGaLuDa II sur XBLA et Android/Appstore sont vraiment bonnes.
De plus, l'activité shmup sur les marchés indés ces derniers temps prouve bien que le style est loin d'être mort. Allez faire un tour sur certains sites, pour voir. On en parle juste peu parce qu'il touche peu le grand public.

Les hack'n slash ont eu leur bel âge au début dans les années 2000 et depuis, le genre est oublié par la presse et les joueurs parce qu'ils ont tendance à croire à des jeux simplistes et recherchent des vraies expériences de roleplay. On a souvent vu dans la presse (en ligne ou papier) un RPG se faire taxer de hack'n slash sous prétexte qu'il était "trop action". Dragon Age II, par exemple. Néanmoins, une petite dizaine de hack'n slash purs et durs sortent chaque année, réalisés par des studios de moindre envergure. On n'en parle pas, mais le genre est là. Il est aussi intéressant de noter que de nombreux mods continuent de sortir pour Diablo II et Titan Quest (voire Loki, que des fans essaient en vain de corriger depuis des années), mods toujours plus difficiles et sauvages à l'image des niveaux fanmade à tendance abattoir de Doom. Parallèlement, Blizzard n'a jamais cessé de patcher Diablo II depuis 2001 (et la sortie du add-on Lord of Destruction), la dernière évolution en date étant sortie il y a à peine quelques semaines, permettant de continuellement renouveler le jeu (et les ladders de Battle.net par la même occasion).

C'est du jeu de niche, les développeurs savent que le buzz se fera entre joueurs du genre et qu'ils toucheront leur public. C'est par exemple le cas de Legend of Grimrock, un dungeon crawler à la mode des années 90 qui a tout simplement l'air dantesque mais sur lequel la presse et le grand public ne portent absolument aucune attention.

1 commentaire:

  1. Cet article m'a passionné. Je serais ravi d'avoir une "mise à jour" concernant les sorties récentes.

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