17 novembre 2011

La course à la lune

Need for Speed dix-huitième du nom : The Run. Si vous avez lu mon article sur l'avenir des jeux de courses, vous savez que j'attendais ce jeu avec pas mal de curiosité. Sans aucune illusion, néanmoins : si j'avais râlé sur le Hot Pursuit de l'an dernier qui ressemblait plus à un Burnout lifté qu'à un NFS (malgré un côté OutRun meets Chase HQ délectable), le "grand" retour de Black Box sur une grosse production depuis l'hyperbuggé Undercover me laissait particulièrement perplexe.


The Run est un jeu étrange. Pas super bon mais pas trop mauvais non plus, juste étrange. Avant toute chose, pour en profiter, il vaudra mieux ne pas être allergique à Origin, la plate-forme d'EA. Le jeu se lance mais refuse de charger si l'on n'est pas loggé au truc.

Passons sur l'ambiance et le scénario pour l'instant, j'y reviendrais, l'intérêt premier d'un jeu de bagnoles, c'est de conduire des bagnoles. Ici, malheureusement, on ne peut pas dire que ce soit la panacée. The Run est doté d'un gameplay pour le moins bizarre : trop tatillon pour être arcade et à millie lieux de la moindre once de simulation, le jeu s'appuie sur une physique pour le moins abstraite ne reposant sur aucun principe un tant soit peu logique. L'inertie est lunaire mais le poids des véhicules les fait passer pour des eighteen wheelers et le jeu est d'une lenteur pachidermique. A 320 à l'heure en Porsche 918 RSR, on se traine. La caméra posera aussi pas mal de soucis : elle bouge dans tous les sens et surtout le mauvais, empêchant de lire les trajectoires correctement et ce quelque soit la vue : je joue en capot et il m'a été pratiquement impossible de savoir où je plaçais mes roues. La voiture a l'air de sortir de l'angle de vue de trente bons centimètres de chaque côté de l'écran, ce qui est très problématique quand il s'agit de slalomer entre flics et traffic. Il arrivera aussi qu'on mette une roue dans l'herbe alors qu'on est bien sur la route d'après l'angle de vue. C'est un peu n'importe-quoi et ce n'est pas fini.

Lent et pataud, The Run peine à tous les niveaux du jeu de course et, aussi curieux que ça puisse paraitre, je ne peux m'empêcher de penser que ce n'est pas completement de sa faute mais plutôt du à un moteur graphique beaucoup trop gourmand. Le Frostbyte 2 est un moteur qui permet de jolies choses mais qui est très lourd pour la machine et qui est surtout affreusement mal exploité ici. Si les cutscenes pré-rendues sont assez impressionnantes, ingame, c'est à la limite de l'acceptable : bourré d'effets luminobloomés cache misère, The Run offre une modelisation des véhicules indéniablement réussie mais très plate et mal texturée, ce qui fait peine à voir face aux mastodontes du genre (Forza 4 évidemment, mais c'est surtout Shift 2 que j'ai en tête). Les personnages, eux, sont aux limites du ridicule, avec une synchro labiale aux fraises et des attitudes délirantes qui nous ramènent aux balbutiements de la 3D : les PNJ de Nomad Soul m'avaient l'air plus vivants. Si ça a été motion capturé, faut virer les mecs de l'animation : c'est juste dégueulasse. Du coup, même si les décors sont absolument fantastiques (si, si, carrément), tout ceci a du mal à résonner autrement que comme un terrible aveu de faiblesse des développeurs, incapables de vraiment exploiter un moteur tout (trop?) neuf. Le pire, c'est que ce ne serait pas si flagrant si, à peine quelques semaines plus tôt, on n'avait pas eu droit à la démo technique qu'est Battlefield 3.

Le plus gros point noir du jeu n'est pourtant pas à chercher dans sa réalisation ou son gameplay, l'une comme l'autre demande une certaine acclimatation et sont tout à fait réussis, simplement loin de ce qu'on pouvait attendre. Non, LE problème de The Run, c'est la durée de vie en toc : en deux heures, on plie l'aventure. Chrono en main; c'est affiché en gros à l'écran tout au long du jeu. Certes, il y a de quoi faire dans les challenges solo et multi à côté, mais quand on a quatre mille bornes a disposition, qu'on nous promet de l'épique et qu'au final on boucle le truc en moins de temps qu'il n'en faut à Michael Bay pour tuer Optimus Prime, il y a de quoi se poser des questions. Où sont passés les 16Go que pèse le machin, par exemple ? D'autant que c'est loin d'être justifié par l'overhype d'un Frostbyte 2 qui pèse sur la RAM alors qu'il est, comme on vient de le voir, largement sous employé.

L'histoire se laisse vivre et, comme souvent avec les Need for Speed, on a droit à un film totalement idiot sur des mecs et des voitures (Fast & Furious vient immédiatement en tête, avec un vieux relent de Cannonball Run si Paul Anderson en avait fait un remake en 2011, c'est dire le niveau). Ca garde l'ambiance et les bruitages des NFS, la bande son est excellente et c'est autrement mieux foutu, question cinématographie, que l'horrible Undercover, tant et si bien que la sauce prend vraiment, notamment lors de certains passages particulièrement grisants comme la désormais célèbre avalanche ou le wall-ride dans le métro New-Yorkais lors de l'ultime épreuve. Tiens, en parlant de la fin du jeu : deux des quatre épreuves de la dernière "étape" sont des reprises TOTALES de tracés déjà parcourus au début du jeu, à plus de trois mille kilomètres de New York. Si encore il y avait huit heures de courses entre deux, ça passerait peut-être, mais quand on est déjà passé 1h30 plus tôt juste avant d'entrer dans les Rocheuses, ça fait tâche. Sorti de cette fausse note terrible (surtout pour des épreuves de fin de parcours), il n'y a pas vraiment de soucis de game-design dans The Run : les phases à pieds qui faisaient tellement peur sont très courtes et, surtout, très peu nombreuses : au cours du jeu, on aura en tout et pour tout quatre malheureuses séquences QTE, par ailleurs fort bien implémentées dans le scénario et ne gênant de fait aucunement dans ce qui reste avant tout un jeu de course.

Au final, cette Course à la Mort gentillette ressemble exactement à ce qu'on pouvait attendre de la part de Black box : un essai raté qui, avec un minimum de polish, aurait pu être un très bon jeu. Une fois apprivoisée l'inertie spatiale des véhicules, on laisse aller sa curiosité et on se retrouve très vite avec pas mal de kilomètres au compteur. En fait, The Run fait ce qu'on lui demande, à la lettre, sans surprises. Du coup, il souffre du même défaut que les films d'action dont il s'inspire : on en verra la fin une fois et on l'oubliera...

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